Anna Sommer

Dessinatrice et illustratrice de bande dessinée, Anna Sommer voit le jour le 13 mai 1968 à Aarau (Suisse).

Après avoir étudié le graphisme aux Beaux-Arts de Zurich, son destin s’oriente vers la bande dessinée. Elle collabore alors au magazine musical suisse romand Vibrations ainsi qu’à la revue de BD Strapazin.

La Suissesse signe son premier ouvrage, Damen-Dramen (Remue-Ménage, L’Association), en 1996. La création est sélectionnée, l’année suivante, pour le prix Coup de coeur du festival d’Angoulême.

« Quand j’ai feuilleté le livre Damen-Dramen, ce fut l’un de ces quelques coups de foudre qui ont fait date dans mon parcours d’éditeur difficile, voire blasé, se rappela son éditeur français, Jean-Christophe Menu. Ce petit livre irradiait de talent, de sensibilité, d’innovation, de force et de délicatesse. (…) Dans les années 1990, les auteurs femmes étaient encore très rares. Et un talent de la trempe d’Anna Sommer, c’était encore plus rare. »

Sommer aime focaliser ses créations sur des destins de femmes, dans toute leur complexité. Sa technique de travail est quant à elle singulière. Depuis le début des années 1990, Sommer réalise nombre de ses illustrations à l’aide de collages de papiers préalablement découpés — un procédé qui exige une grande habileté artistique et artisanale, de la première idée à la découpe délicate du matériau.

« Dans un dessin, tout est sur le même plan. Avec le papier, je dois commencer par ce qui est à l’arrière-plan puis y ajouter, par couches, les éléments. Mais dans la mesure où je ne colle les éléments qu’à la fin, je peux toujours modifier les couches »

Son second livre Honigmond (Arrache Cœur, 1998) confirme sa maîtrise millimétrée de l’art du découpage et de son sens affûté de la composition. Tiré à 500 exemplaires, l’ouvrage est rapidement épuisé. Au fil des années, la féminité, les relations femme-homme, l’érotisme ou encore la sexualité constitueront les fondements intrinsèques de sa bibliographie.

Depuis les années 1990, Anna Sommer travaille régulièrement comme illustratrice pour plusieurs revues et périodiques en Suisse et à l’étranger : Die Zeit, Libération, Die Wochenzeitung. Elle a également intégré la rédaction de Strapazin.

En 2017, elle est invitée d’honneur du Festival international de la bande dessinée de Lausanne, dont elle réalise l’affiche. L’année suivante, son album L’Inconnu (Les Cahiers dessinés, 2017) est nommé pour le Fauve d’or au festival d’Angoulême.

Anna Sommer a, depuis 1996, publié une vingtaine d’ouvrages et fait l’objet de multiples expositions en Suisse mais aussi en France ou en Afrique du Sud.

À l’occasion de la publication de ses nouvelles oeuvres, Chambres d’amies (Les Cahiers Dessinés) et L’Encre (Frémok), Anna Sommer a fait l’objet d’une exposition à la Galerie Martel à l’automne 2023.

En mai 2024, elle est récompensée du Prix Max et Moritz comme Meilleure artiste de bande dessinée en langue allemande.

Du 29 mai au 4 novembre 2024, plusieurs de ses oeuvres sont exposées au Centre Pompidou, à Paris, dans le cadre de la grande exposition La BD à tous les étages.

Anna Sommer vit et travaille à Zurich.

Texte et photo © Galerie Martel

Bibliographie sélective

L’encre

Une femme au visage aveugle dessine à l’encre le contour de ses yeux. Un singe malicieux vole son encrier et le boit. La voici borgne. Notre héroïne passe d’abord sa colère en pissant sur le cactus favori du singe. Vengeance !

Elle se jette ensuite à corps perdu dans une quête d’encre et d’indépendance, au risque de perdre définitivement la mise.

Frémok, 2023
Les cahiers dessinés, 2023

Chambre d’amies

Une jeune fille caresse un tigre endormi à ses pieds, une autre cultive des plantes carnivores, des amies jouent au badminton au milieu de vases en porcelaine, des couples se fondent pour mieux s’affronter… Au sommet de son art graphique, Anna Sommer utilise les motifs des papiers peints en les opposant aux siens propres pour nous présenter des scènes intimistes, immobiles et cependant vibrantes de tension intérieure. Rien ne bouge et néanmoins — tout est en mouvement: derrière les traits lissés des personnages et leurs attitudes à première vue innocentes, des drames se jouent, des stratégies se tissent, des fantasmes se font jour. Les animaux deviennent plus humains que les humains, les objets acquièrent une vie qui leur est propre: qui manipule qui dans cet univers foisonnant, où chaque détail regorge de malice secrète? De subtil érotisme aussi, relevé d’une pointe de sadisme… Entre la fable intemporelle et l’instantané de la vie quotidienne, ces collages allient l’humour au malaise, la tendresse à la cruauté, et introduisent une distance fantastique dans ce qui nous est le plus familier. Mieux que jamais, Anna Sommer nous raconte sans mot dire les pièges de nos intérieurs douillets et les illusions de nos existences intranquilles. Préface de Julie Bouvard.

L’inconnu

Hélène, séduisante quadragénaire propriétaire d’une boutique de mode, découvre un nourrisson dans la cabine d’essayage, et le recueille dans son arrière-boutique, sans en souffler mot à Antoine, son mari. Vicky et Wanda, deux adolescentes désinhibées, partagent une chambre d’internat et la plupart de leurs secrets, dont la grossesse de Vicky, fruit de sa relation amoureuse avec Antoine, qui n’est autre que leur professeur d’histoire. Pour compenser les inexplicables élans maternels de sa femme, Antoine lui offre un chien. Sous couvert de promenades, Hélène et le chien rendent clandestinement visite à l’enfant, jusqu’au jour où… Avec cette histoire tendre et grinçante, Anna Sommer revient à la bande dessinée, pour notre plus grand plaisir… et frisson. L’innocence, comme le diable, se cachent dans les détails de son dessin indiciblement subversif. Doux et acide, dénué de toute mièvrerie, son univers résolument féminin fait rimer légèreté et cruauté, et ne cesse de s’enrichir de nouvelles trouvailles.

Les cahiers dessinés, 2017