Golo

Golo est né à Bayonne en 1948. Il arrive à Paris en 1968. Il publie Ballades pour un voyou avec Frank (Éditions du Square, 1979). De cette collaboration naîtront plusieurs récits. C’est dans (À suivre !) qu’il adapte Mendiants et Orgueilleux de Cossery. Après avoir vécu et travaillé vingt-cinq ans au Caire, il s’embarque pour une nouvelle aventure sur le vaisseau de la Maison des auteurs à Angoulême, où il réalise les deux volumes d’Istrati ! Le premier volume était dans la short list du festival d’Angoulême 2018.

Texte © Actes Sud

Bibliographie sélective

« La moindre ligne de Panaït Istrati est un portrait de lui, car jamais écrivain ne fut plus présent, corps et âme, dans son œuvre. » Ainsi parlait Joseph Kessel d’Istrati (1884-1935), écrivain roumain autodidacte, grand voyageur, communiste éclairé, largement méconnu aujourd’hui. Dans Istrati !, Golo – l’auteur de Mendiants et orgueilleux ou Mes mille et une nuits au Caire – lui rend un vibrant hommage. Il enveloppe d’un noir et blanc somptueux son existence tumultueuse, contant ses amitiés indéfectibles, son idéalisme actif et sa découverte du monde.
Télérama, Laurence Le Saux

Actes Sud, 2017-2018

Quinze ans avant la vogue des adaptations littéraires en bandes dessinées, Golo adaptait avec succès le roman d’Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux. Quinze ans après sa première publication dans «(À suivre)», Futuropolis réédite ce livre essentiel. Cossery y dépeint les laissés-pour-compte des quartiers miséreux du Caire, faisant l’éloge du dénuement et de la paresse conçus comme un art de vivre, en opposition à nos pratiques occidentales : «Gagner est un mot obscène, un terme de commerce. Je hais l’argent et l’ambition, ils sont la cause de tous les malheurs du monde. En Orient, lorsqu’on a de quoi vivre, on ne travaille pas. En Occident, plus on a d’argent, plus on en veut.»
Un livre essentiel pour Golo qui s’est installé alors au Caire, et qui revient aujourd’hui, avec Mes mille et une nuits au Caire, sur sa ville d’adoption et ses habitants, avec chaleur et humanité.

Futuropolis, 2009 (première publication Casterman, 1991)

Le Caire, capitale jadis resplendissante, aujourd’hui délabrée.

Une multitude désoeuvrée déambule tranquillement dans un chaos de voitures qui semblent n’obéir à rien. Attablé à une terrasse de café, Ossama, voleur de son état — pas un voleur légaliste comme n’importe quel banquier, mais un modeste voleur aux revenus aléatoires — guette sa proie : un type arrogant qui s’agite dans l’espoir d’attirer l’attention de son chauffeur. Trois minutes plus tard, le type est délesté de son portefeuille en croco, dans lequel Ossama trouve une lettre qui compromet à la fois le type au portefeuille (promoteur véreux mouillé dans un génocide immobilier — cinquante morts sous les décombres d’un de ses immeubles) et le ministère des Travaux publics.

Devenu  » par décret divin  » dépositaire d’un scandale de niveau ministériel, Ossama ne sait comment faire exploser cette bombe. Par l’intermédiaire de son maître Nimr — qui lui a appris le métier —, il rencontre le lettré Karamallah, un homme qui vit dans le cimetière avec les milliers de sans logis installés là sans rien demander à personne. Et cet homme sage, très amusé par la lettre mais persuadé qu’elle n’a rien d’une bombe — le banditisme des hautes sphères étant une péripétie communément admise —, trouve un moyen  » plaisant  » de l’utiliser. Un moyen qui démasque, dans un grand rire salvateur, la face ignoble et grotesque du pouvoir — et toutes les couleurs de l’infamie.

Amoureux du Caire, Golo rêvait de dessiner la ville à travers les romans du grand écrivain égyptien Albert Cossery — rêve réalisé en 1991 avec Mendiants et Orgueilleux, et aujourd’hui avec Les Couleurs de l’infamie.

Les Couleurs de l’infamie est une adaptation fidèle du roman éponyme, Golo ayant conservé au maximum les dialogues savoureux de l’auteur et l’élégance de son langage, joliment soutenus par la chaleur et la vivacité du dessin. C’est aussi une belle rencontre, Cossery ayant fait confiance à Golo et l’ayant laissé entièrement libre, tout en répondant aimablement à la moindre de ses questions.

Cet hommage de Golo à Cossery —  » un homme libre  » — est aussi une balade dans l’âme d’une ville, avec des personnages irrésistibles (y compris les rôles secondaires, comme le père d’Omassa) qui cultivent une philosophie artisanale tout à fait réjouissante — cet humour très spécial, fait de dérision et de joie de vivre, qui tient lieu de résistance aux habitués de la débrouille.

Cet album est doublement réussi. En tant que bande dessinée, originale, drôle et tendre, et en tant que mise en appétit : il nous donne envie, si ce n’est déjà fait, de découvrir Albert Cossery, le  » vagabond céleste « .

Dargaud, 2003